Vous avez peut-être suivi des cours d’écriture ou bien vous vous êtes renseignés sur le contenu de ce genre d’enseignement. Vous désiriez avoir une base pour composer votre propre musique.
Dans ce cas, la plupart du temps, ce sont des cours d’harmonie qui vous ont été proposés. J’aimerais pourtant vous parler du complément indispensable à l’apprentissage de l’harmonie : le contrepoint.
Ce qu’est le contrepoint
C’est la technique d’écriture linéaire de la musique. À partir d’une ligne mélodique constituée d’une succession de notes (ou points) avec leur rythme, il s’agit de concevoir une ou plusieurs autres lignes mélodiques de façon à produire un tout cohérent (point contre point).
Le savoir-faire de l’harmonie consiste à enchaîner des accords ensembles d’au moins 3 sons produits simultanément. Celui du contrepoint est d’organiser le dialogue entre plusieurs voix*.
*on appelle voix une ligne mélodique qui peut être confiée à un instrument autant qu’à un chanteur
Quand la pensée musicale contrapuntique est absente
Il ne vous aura pas échappé que le nom même de mon site, Composer-Harmoniser-La Pensée Musicale Harmonique, semble privilégier l’harmonie au contrepoint. Ce n’est pourtant pas ma façon de penser.
D’abord parce que la recherche de belles lignes mélodiques est inhérente à l’harmonie. Il suffit, pour s’en rendre compte, de remarquer ce qui se passe dans une chorale à 4 voix quand le compositeur a négligé le travail contrapuntique des voix d’hommes (basses et ténors) et graves de femmes (contraltos).
Les sopranos se régalent, parce qu’elles ont le chant. Les autres égrènent leur texte en répétant la plupart du temps les mêmes notes, ce qui est sans intérêt pour les chanteurs. Et l’audition s’en trouve très appauvrie.
Il suffit pourtant de soigner la ligne de chacun des 4 groupes vocaux pour rendre le texte plus intéressant à chanter et donc, à entendre. Voyez la différence :
La recherche passionnante du dialogue contrapuntique
De plus, à partir de ce même chant, la recherche d’une deuxième voix qui soit le complément idéal de la première est un « contrepoint de départ » intéressant. En voici un exemple instrumental pour violon et alto :
Puis, la combinaison avec une 3e et une 4e voix instrumentales permettant à chaque voix d’un quatuor à cordes de participer à parts égales à une véritable conversation musicale est vraiment l’objet d’un travail d’écriture passionnant.
Quels principes peuvent guider l’apprenti contrapuntiste ?
Sur les pas des maîtres, et à leur tête, Jean-Sébastien Bach, sans se lancer dans un cours de contrepoint, voici 4 principes pour guider vos premiers essais.
- Les entrées successives : au lieu de faire démarrer 2 voix ensemble, privilégier une voix commençant seule, la 2e entrant un peu plus tard. L’attention de l’auditeur se portera successivement sur chacun des 4 groupes vocaux à leur entrée, tel un personnage qui entre sur scène dans l’ouverture d’une pièce de théâtre.
- Les imitations : les lignes mélodiques successives peuvent être pensées avec des ressemblances. Sans aller jusqu’à l’écriture d’une fugue qui a ses propres règles, la réutilisation d’une formule mélodique et/ou d’un rythme donne de la cohérence au tout. Un véritable dialogue s’installe.
- Les intervalles d’appui : à 2 voix la rencontre de deux notes forme un intervalle. Les 2 premières lignes mélodiques vont s’appuyer sur des intervalles dont la sonorité doit être contrôlée. La 3ce (et son renversement la sixte), ainsi que l’octave et l’unisson offrent une consonance confortable. La quinte aussi, mais la quarte, la seconde (et son renversement la 7e) dans un langage classique qui facilite les débuts en contrepoint sont à éviter.
- Les accords sous-entendus et leurs notes étrangères : dès que la 3e voix entre et surtout la 4e il est facile de comprendre que les intervalles d’appui même à 2 voix sous-entendent des accords. Voici la preuve que le contrepoint et l’harmonie ne font qu’un, en écriture musicale. Surveiller les accords engendrés par le contrepoint des 3 et 4 voix est nécessaire, bien entendu.
La formation de ces accords a pour conséquence de faire apparaître les notes réelles (qui appartiennent à ces accords), ou les notes étrangères ( qui n’appartiennent pas à ces accords).
C’est aussi rassurant, les sonorités des notes étrangères permettant toutes sortes de rencontres (quartes, secondes, 7es). La richesse du contrepoint est également assurée par le « fleurissement » de rythmes combinés.
Et les paroles ?
Les exemples précédents étaient principalement instrumentaux. Quand les voix sont à proprement parler des voix chantées, un autre défi est lancé au compositeur, passionnant lui aussi : placer les paroles.
Comme en harmonie, la prosodie musicale prend toute son importance. En plus, les 4 voix n’étant pas toujours simultanées ni homorythmiques, la découpe du texte mérite beaucoup de soin pour que chaque groupe de chanteurs ait un texte intelligent à interpréter.
Le contrepoint, est-ce pour vous ?
À chacun de répondre à cette question. De toute façon, à partir du moment où vous composez, comme Monsieur Jourdain avec la prose, vous en faites… sans le savoir !
Le choral que j’utilise est tiré des Editions Breitkopf Choral de J.S. Bach “Herzlich lied hab ich dich, o Herr”, celui en mib Majeur – (Johannes Passion, B.A.12 I,131)
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