Commençons par comparer 2 visions opposées, mais complémentaires de l’écriture musicale, l’harmonie et le contrepoint.
Rossini : l’harmonie prépondérante
Vous pouvez écouter les extraits sur Youtube à 58 secondes.
La conception de cet extrait par le compositeur est de deux natures : rythmique et harmonique.
Une mesure à 3 temps avec une cellule rythmique : un triolet de croches en anacrouse suivi de 4 noires détachées sur fond de croches perpétuelles.
L’harmonie est simple, Ier degré de SOL Majeur pendant 8 mesures puis le Ve degré également pendant 8 mesures. La mélodie épouse l’harmonie ; ré, sol, si, à peu de choses près (une broderie, une appoggiature et la gamme en plus) puis ré, la, do (même supplément).
Ici, la pensée de Rossini est verticale.
Bartok, le contrepoint prépondérant
À l’opposé, voici un deuxième extrait composé par Bela Bartok. C’est le début de sa fugue qui commence son œuvre : Musique pour cordes, célesta et percussion (1936). Vous pouvez écouter ici le début de cet extrait.
Chacune des voix entre successivement présentant le sujet ou élément mélodique récurrent de l’œuvre. Ici, la pensée de Bartok est horizontale.
Le contrepoint est la concrétisation d’une pensée horizontale dans laquelle chaque voix mélodique se combine avec les autres voix au-dessus ou en dessous d’elle. La construction générale de ce mouvement est celle d’une fugue.
Bien entendu les rencontres entre les notes de ces lignes mélodiques s’appuient sur des accords ou agrégats (constructions verticales sonores) propres au langage harmonique du compositeur. Le langage de Bartok diffère singulièrement de celui des fugues de Bach par exemple.
Le choral, synthèse de l’harmonie et du contrepoint
Christophe, un ami musicien, vient d’attirer mon attention sur un Manuel Méthode pratique pour l’harmonisation du choral écrit par Bruno Rattini (paru en 2022 aux éditions DELATOUR France).
Voici ce qu’écrit Bruno Rattini en introduction :
« Le contrepoint constitue, au sein de la musique occidentale, la science de la conduite horizontale des voix. Pendant la période baroque, il fut indissociable de l’harmonie, qui correspond à la pensée verticale des agrégats sonores. Le fait que Jean-Sébastien Bach ait su conjuguer ces deux axes, vertical et horizontal, est universellement reconnu. »
Tous ceux qui souhaitent se perfectionner dans l’écriture du choral ou pénétrer l’univers des chorals de Bach par l’écriture trouveront dans cet ouvrage une méthode progressive très intéressante.
De plus, les contributions…
- d’André Papillon, Les Mélodies de choral dans l’œuvre de Bach
- de Pierre-Yves Modicom La prosodie, au cœur de la métrique de la langue allemande
- et Jean-Michel Bardez « Piliers du temple » – penser le choral…
…en manière d’introduction, permettent de situer le choral dans son contexte particulier.
La réalisation d’un choral donné en cours
Pour ce qui me concerne, j’ai toujours beaucoup aimé enseigner et composer des chorals à but pédagogique et échanger avec des collègues les chorals qu’ils avaient eux-mêmes composés.
Le soprano doit être une ligne mélodique qui ne monte pas trop dans l’aigu ni ne descend trop dans le grave pour être chantable par une assemblée de fidèles. Il s’agit :
- soit d’une ligne de noires (avec très peu de croches), chantable en une ou au maximum 2 respirations jusqu’à un point d’orgue. On appelle *«période » chaque section menant à un point d’orgue ;
- soit d’une ligne mêlant noires et deux croches, seule, la première des deux étant appuyée.
Le travail de réalisation consiste à déterminer les cadences en fin de période. Puis, à partir de celles-ci, d’esquisser une (ou deux) ligne(s) de basse chiffrée conjuguant accords à 3 sons (état fondamental ou renversé) avec accords à 4 sons, de 7e de dominante et 7e diminuée.
C’est là que le travail contrapuntique commence. Il faut faire « vivre » horizontalement chacune des 3 voix inférieures de manière que chaque groupe vocal prenne plaisir à chanter la phrase musicale. L’apport des notes étrangères est alors essentiel. Les rencontres sonores doivent être soigneusement contrôlées, mais l’apparition de couleurs de « 7es d’autres espèces que celles de dominante ou diminuées » régale l’oreille.
A vous d’essayer
Voici un choral pour chœur mixte a capela volontairement amputé de certaines de ses parties vocales. À vous de compléter les parties manquantes, c’est-à-dire :
- *Période 2, la voix d’alto
- Période 3, les voix de ténor et d’alto (mais vous avez les chiffrages des accords pour vous aider)
- Période 4, les voix de ténor et d’alto (sans aide)
- Période 5, les voix de basse, de ténor et d’alto uniquement à partir du soprano.
Prochainement, je vous propose ma réalisation, mais vous pouvez m’envoyer la vôtre à contact@composer-harmoniser.com
Laisser un commentaire