Ce qu’on trouve aussi dans un conservatoire
Le Directeur du conservatoire des Landes, Alain Bonte, m’avait demandé de participer à un jury peu commun dont j’aimerais vous parler. L’examen pour lequel Ana, Orphée, Guillaume, Laly, Marie et Clémence étaient convoqués n’était pas une simple épreuve instrumentale ou chorégraphique, mais la phase finale de la conception, la création, l’organisation et la présentation d’un spectacle en autonomie !
La règle du jeu du projet de l’élève
Le règlement du conservatoire stipule : « Ce sera pour l’élève l’occasion de faire preuve de son bagage artistique et musical. Cette production devra en particulier mettre en valeur :
- Les capacités instrumentales
- La faculté de tenir sa place au sein d’un groupe
- La rigueur d’organisation,
- L’imagination. »
L’auditorium mis à disposition sur le site comprend une régie son et lumière avec ses techniciens, une belle scène, des coulisses, un piano à queue et la possibilité de projeter des vidéos sur grand écran.
Le déroulé de l’examen
Les 6 spectacles publics que nous avons pu voir, d’environ ½ heure chacun, étaient donc le résultat d’une préparation de toute une année scolaire par chaque élève. Bien sûr, pour faire face à un tel défi, l’autonomie en question a ses limites, chaque élève-artiste étant guidé par son professeur d’instrument, mais aussi coaché par Mme Karen Juan, professeure de danse de l’établissement en charge des projets d’élèves pour l’obtention du Certificat d’Études Musicales (CEM). Chaque élève pouvait demander la participation de camarades, de son professeur ou des professeures accompagnatrices au piano, mais restait seul décideur du contenu.
Les thématiques, révélatrices de leur moi intime ?
Les thématiques allaient d’une très belle évocation de l’artiste mexicaine Frida Kahlo par Orphée, au monde spatial intelligemment évoqué par l’univers cuivré de Guillaume. Se dévoilaient ainsi les secrets intimes de ces jeunes étudiants dont l’activité instrumentale et chorégraphique n’est, pour l’instant, pas destinée à se professionnaliser, mais plutôt à demeurer une passion.
Leur personnalité artistique s’est illustrée au son de leur flûte, leur piano, leur trombone et leur guitare, mais aussi, pour certains d’un 2e instrument : tuba, guitare basse et même ukulele. Elle s’est aussi révélée par leurs pas de danse, leur prestation de chef d’ensemble instrumental, leur rédaction de textes et même au son de leurs cordes vocales puisqu’Ana nous a ravis par l’interprétation d’une chanson joliment arrangée, qu’elle a accompagnée à son ukulele.
Comment choisir le thème de son spectacle ? Qu’accepter de révéler de soi à travers la loupe grossissante qu’est la mise en scène de sa sensibilité artistique dans son environnement proche ?
Entrer ou pas dans leur jardin secret ?
Pour certains, la porte est grande ouverte : les amis, les professeurs et même les parents ne sont pas loin, parfois même acteurs du spectacle. Le décor de la chambre de Laly, guitariste et danseuse le montre. Écouter jouer Syrinx de Debussy par Ana pendant que sa maman lit un poème destiné à l’illustrer nous en convainc également.
Pour d’autres, la dérision est une protection : Marie met en scène sa crise d’ado sous le titre « Ça me gonfle », certes, mais que la sonate flûte et piano de Poulenc est belle quand elle arrive sous ses doigts et ceux de Céline Vanel professeure accompagnatrice du conservatoire.
Et le dessin ?
En exergue du dernier des 6 spectacles, celui de Clémence, on pouvait lire ces 3 vers :
Au fil de mon âme
A la pointe du crayon
S’éveille mon art.
Cette élève a démontré ses talents conjugués de flûtiste et de dessinatrice réalisant en direct, par étapes, un magnifique portrait, alternant sa prestation picturale très réussie avec des duos hautbois-flûte ou trios avec piano, du compositeur Joe Hisaishi, pendant lesquels on voyait défiler sur écran sa production récente de dessins issus de l’univers des mangas.
Ces trois vers sont représentatifs de ce que ces artistes amateurs (dans le sens noble du terme : qui aiment leur art) à l’aube de leur vie, ont livré d’eux-mêmes. La musique instrumentale, le chant, la danse, la peinture, la poésie, la vidéo, la comédie étaient convoquées sur scène et on ne pouvait qu’applaudir cet éveil de leur art !
Le résultat ?
Mais quel fut le résultat de cet examen ? – pensez-vous peut-être. Il est vrai qu’en art comme dans le reste des apprentissages, le réflexe, surtout dans notre pays, est de reconnaître la qualité par les diplômes. Comme l’a très bien souligné le Directeur lors des résultats, le fait d’avoir réussi à monter un spectacle de qualité apprécié par un public, d’avoir transmis des émotions, partagé une création de son élaboration à son aboutissement ayant vaincu toutes les difficultés techniques est en soi même le plus beau des résultats.
Rassurez-vous, les 6 candidats ont obtenu leur certificat avec mention et c’était amplement mérité ! Sébastien Régnier, responsable de ce site du conservatoire et moi-même, aux côtés du Directeur pour siéger dans ce jury, avons été unanimes à le reconnaître ! J’espère que ce compte-rendu permettra de se rendre compte que les conservatoires de musique de danse et de théâtre qui développent ce genre de pratique pour les élèves amateurs méritent d’être salués pour leur travail pédagogique et leur utilité dans l’éveil artistique de la jeune génération en devenir !
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