Savoir chiffrer les accords

Chiffrage d'accord

Vous avez peut-être déjà rencontré, indiqué sur une partition, ce qu’on appelle un chiffrage d’accords. Ne pas en connaître la signification a de quoi laisser perplexe, comme l’exemple ci-dessous.

  • Pourquoi utiliser un chiffrage d’accords?
  • Comment comprendre les deux systèmes de chiffrages qui coexistent ?
  • Quels sont leurs avantages et leurs inconvénients ?

Je vais tenter de vous éclairer sur la question.

Le chiffrage d’accords : une facilité pour les accompagnateurs et les improvisateurs.

Accompagner une mélodie avec un instrument harmonique – piano, clavecin, guitare, etc. c’est jouer de bons accords au bon moment. Ces accords peuvent aussi servir de base à une improvisation qui devra suivre le cheminement harmonique voulu par le compositeur.

Un peu d’histoire

Ces chiffrages ont beaucoup évolué au fil du temps. Un autre code non plus chiffré, mais lettré est apparu et s’est développé au XXe siècle grâce au Jazz. En musique baroque comme en jazz, tout en sous-entendant précisément les notes qui le composent, ce chiffrage laisse une liberté plus ou moins grande à l’interprète quant à la façon de disposer l’accord voulu.

Par ailleurs, l’improvisation sur le thème que constitue cette mélodie quand elle est souhaitée se trouve facilitée par le chiffrage de la série d’accords qu’on appelle grille. C’est un véritable code secret pour le non initié, mais d’une lecture aisée pour celui qui le pratique couramment.

Deux systèmes coexistent

Venu de la basse continue, le chiffrage classique a connu bien des évolutions pour, finalement, être particulièrement précis en France tel que l’enseignent les traités d’harmonie. Il comprend une note de basse écrite en clé de fa (puisque c’est une basse, dans le registre grave) et des chiffres qui la surmontent pour désigner les autres notes de l’accord. J’y reviendrai.

Le chiffrage anglo saxon, dans le prolongement de l’usage médiéval désignant les sons par des lettres, présente la note de basse sous forme d’une lettre majuscule et la nature de l’accord sous forme d’une abréviation ou d’un signe correspondant (il existe des variantes).

Le chiffrage Anglo-saxon

Ecrit entièrement en lettres et abréviations ou signes, il peut se passer de l’usage d’une portée ou encore s’écrire directement sur la partition d’une mélodie ou d’un thème pour indiquer l’accord au moment même où il doit être joué pour l’accompagner.

Aux notes la, si, do, ré, mi, fa, sol correspondent les majuscules A, B, C, D E et F. Quant à la nature des accords à 3 sons, quand la lettre seule est indiquée, par défaut, l’accord est parfait majeur (3ce majeure + 5te juste);

l’abréviation m ou min ou encore – (signe moins) représente un accord parfait mineur (3ce mineure + 5te juste), dim, un accord diminué (3ce mineure et 5te diminuée). L’accord à 4 sons dit de 7e de dominante du fait qu’il se place sur les dominantes des deux modes, majeur et mineur, s’indique par un simple 7 (sans la barre transversale comme on l’écrit aux USA) placé après la lettre majuscule, par exemple en do majeur ou mineur : G7, soit sol/si/ré/fa.

Quand la basse est altérée (diésée ou bémolisée) il suffit d’ajouter le bémol ou le dièse à la lettre majuscule : C#, on place l’altération après la lettre par imitation du langage parlé ; on dit do dièse donc on écrit C#. La simplicité d’utilisation de ce chiffrage est donc évidente.

Un accord peut se renverser, c’est-à-dire que par rapport à l’accord initial, les notes sont les mêmes mais la basse a changé. Une des autres notes de l’accord est devenue la note la plus grave ce qui donne une nuance différente à la couleur de l’accord.

L’état initial d’un accord se présente toujours par un empilement de 3ces à partir de sa basse qu’on appelle la fondamentale : cet état est donc l’état fondamental. Le renverser n’est pas anodin et c’est en cela que le chiffrage Anglo saxon est quelque peu réducteur. Pour les renversements, il se contente d’ajouter en-dessous de la lettre initiale, la lettre de la nouvelle basse : C/E signifie accord do/mi/sol sur basse mi.

Cette notation risque fort de faire penser que renverser un accord a peu d’importance, que ce qui compte avant tout c’est son état fondamental et on peut constater, à l’appui de cette remarque, que beaucoup de chansons et de standards de jazz sont harmonisés quasi-uniquement par des états fondamentaux.

Vous trouverez à la fin de l’article un tableau de ces chiffrages

Le chiffrage classique

Il se présente sous forme de chiffres placés au-dessus d’une note de basse écrite en clé de fa

À l’origine chaque chiffre représente l’intervalle entre la basse – considérée comme étant le 1 – et chacune des notes de l’accord. Ces chiffres sont présentés dans un ordre croissant de bas en haut.

Comment savoir si ces chiffres désignent des intervalles mineurs, majeurs ou diminués ? 

Trois éléments le permettent : 

  1. l’armure de la partition, 
  2. la présence ou non d’altérations dans le chiffrage concerné 
  3. et un trait en travers du chiffre qui indique que l’intervalle est diminué.

L’altération éventuelle est placée avant le chiffre par imitation de l’écriture musicale : on écrit un dièse ou un bémol avant la note qui le concerne donc on écrit l’altération avant le chiffre qui le représente b6 au-dessus de la basse ré signifie sib.

L’armure doit toujours être aussi prise en compte : 3 au-dessus de la basse ré signifie fa sauf dans un morceau ayant au moins 1 # à l’armure où il signifie fa#. Donc, la nature de l’accord à 3 sons et la qualification des intervalles qui le composent se déduisent de la lecture du chiffrage classique.

Les renversements ont donc leur propre chiffrage

Des simplifications ou autres conventions sont intervenues. En voici quelques exemples :

  1. La 3ce étant très fréquente elle est souvent supprimée du chiffrage quitte à laisser seule, pour tout chiffrage, l’altération qui la concerne.
  2. Dans certains cas c’est la 5te qui disparaît du chiffrage.
  3. Dans l’accord de 7e de dominante, le chiffre qualifiant l’intervalle où se place la sensible est précédé du signe + ce qui, par convention, permet de reconnaître le renversement de l’accord et donc d’éliminer les 2 autres chiffres. 

Il faut donc mémoriser ces chiffrages. 

Serge Lécussant

Avantages et inconvénients des 2 systèmes

Le chiffrage classique, précis, mais parfois complexe

J’en rappelle le principe : il se présente sous forme de chiffres placés au-dessus ou en-dessous d’une note de basse écrite en clé de fa. À l’origine chaque chiffre représente l’intervalle entre la basse – considérée comme étant le 1 – et chacune des notes de l’accord. Ces chiffres sont présentés dans un ordre croissant de bas en haut.

Comment savoir si ces chiffres désignent des intervalles mineurs, majeurs ou diminués ? Trois éléments le permettent : l’armure de la partition, la présence ou non d’altérations dans le chiffrage concerné et un trait en travers du chiffre qui indique que l’intervalle est diminué. Donc, la nature de l’accord à 3 sons et la qualification des intervalles qui le composent se déduisent de la lecture précise du chiffrage classique.

Les renversements ont leur propre chiffrage qui donne un sens particulier à leur usage. Ils sont très fréquents en musique classique.

Il faut maintenant reconnaître que toutes les simplifications ou les conventions rendent parfois complexe son utilisation. La mémorisation de tous ces chiffrages classiques représente un effort assez considérable que seule la pratique régulière facilite.

Le chiffrage Anglo saxon, simple, mais quelque peu réducteur

Comme je vous l’ai expliqué, il est écrit entièrement en lettres et abréviations ou signes. Il peut donc se passer de l’usage d’une portée ou encore s’écrire directement sur la partition d’une mélodie ou d’un thème pour indiquer l’accord au moment même où il doit être joué pour l’accompagner. La simplicité d’utilisation de ce chiffrage est donc évidente.

Nous avons vu, également, qu’un accord peut se renverser, c’est-à-dire que par rapport à l’accord initial, les notes sont les mêmes, mais la basse a changé. Une des autres notes de l’accord est devenue la note la plus grave, ce qui donne une nuance différente à la couleur de l’accord.

Le renverser n’est pas anodin et c’est en cela que le chiffrage Anglo saxon est quelque peu réducteur. Pour les renversements, il se contente d’ajouter en dessous de la lettre initiale, la lettre de la nouvelle basse : C/E signifie accord do/mi/sol sur basse mi.

Cette notation risque fort de faire penser que renverser un accord a peu d’importance, que ce qui compte avant tout c’est son état fondamental et on peut constater, à l’appui de cette remarque, que beaucoup de chansons et de standards de jazz sont harmonisés quasi uniquement par des états fondamentaux

Attention ! Une équivoque préjudiciable

Parlons enfin d’une erreur courante entretenue par une mauvaise interprétation du chiffrage Anglo saxon et voyons comment les professionnels de l’analyse musicale ont perfectionné le chiffrage classique pour lever toute équivoque et remédier au problème.

Il ne faut pas confondre le nom d’un accord avec le nom de la tonalité dans laquelle il se trouve.

Do/mi/sol est un accord chiffré 5 sur basse écrite do en chiffrage classique et tout simplement chiffré C en chiffrage Anglo saxon. Comme je l’ai expliqué par défaut, c’est-à-dire sans autre indication il signifie qu’il s’agit d’un accord parfait majeur (3ce majeure + 5te juste à partir de sa basse do).

On l’appelle alors en raccourci accord de do majeur. Cela signifie-t-il qu’il se trouve dans la tonalité du même nom : Do majeur ? Pas forcément. Cela dépend du contexte dans lequel il intervient.

Prenons les deux situations suivantes :

  • Un guitariste termine l’accompagnement d’une chanson par l’accord de do majeur. La plupart du temps l’accord final a pour basse la tonique du morceau car celle-ci donne le sentiment de repos terminal. Le do grave de l’accord joué à la guitare implique donc que la tonalité générale de la chanson et particulière de son accord final est donc bien do majeur.
  • Notre guitariste termine cette fois par les accords suivants : C, D et G. Le dernier accord – G – pour les mêmes raisons qu’indiquées dans la situation précédente implique que cette chanson est dans la tonalité de sol majeur. En réalité ces 3 accords SONT dans la tonalité de sol majeur, ils sont construits sur 3 notes de la gamme de sol majeur : do (4e note = sous-dominante), ré (5e note = dominante) et sol (1ère note = tonique).

Par conséquent, dans cette 2e situation, l’accord C (dit de Do majeur) est entendu en Sol majeur. Autrement dit on perçoit différemment la couleur d’un accord selon le contexte dans lequel il intervient c’est-à-dire les accords qui l’ont précédé (pour ce qui est du ressenti) et qui le suivront (pour ce qui est de l’analyse).

Et c’est précisément pour cette raison que les professeurs d’analyse ont ajouté un élément au chiffrage classique, élément qui permet de situer chaque accord dans la tonalité où il se trouve : le chiffrage du degré de la gamme à laquelle il appartient.

Ce chiffre est placé en dessous de la note de basse et exprimé en chiffre romain pour ne pas le confondre avec les autres chiffres. Dans la première situation évoquée ci-dessus l’accord do/mi/sol indiqué 5 sur basse do écrite en clé de fa serait accompagné en dessous de sa basse par le chiffre I définissant la première note de la gamme, la tonique. 

Dans la 2e situation, par le chiffre IV désignant la 4e, la sous-dominante.

Chiffrage d'accord
Chiffrage d’accord exemple

Méconnaître la tonalité dans laquelle on accompagne une mélodie peut être préjudiciable. Confondre le nom d’un accord avec sa tonalité y conduit. L’usage des chiffrages classique ou Anglo saxon n’exonère donc pas de prêter attention à cette distinction, un même accord pouvant appartenir à plusieurs tonalités

J’espère que cet article vous aura permis de comprendre et d’utiliser ces deux systèmes de chiffrages, qu’ils n’auront plus rien de « secret » pour celle ou celui qui les rencontre dans sa pratique musicale. 

Dans mon enseignement, j’ai récemment pris l’habitude de les proposer conjointement ce qui permet à chacune et à chacun, selon ses habitudes et sa sensibilité, de choisir le chiffrage avec lequel il est le plus à l’aise tout en jetant un œil sur l’autre ce qui enrichira sa compréhension de l’accord.

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