Composer et harmoniser sont des savoirs nécessaires pour réaliser un canon qui soit agréable à jouer ou chanter.
L’actualité des confrontations sportives a fait surgir sur le devant de la scène médiatique ce terme musical qui, même s’il semble familier, mérite une explication détaillée.
Jacques, le Frère du canon par excellence
Qui ne connaît pas Frère Jacques et n’a pas pratiqué, certes avec plus ou moins de bonheur, ce chant à 2, 3 voix ou plus ?
Le canon en haute définition
Le Dictionnaire du musicien sous la direction de Marc Honegger définit ainsi le canon : « Type de composition polyphonique dans lequel toutes les voix ou une partie d’entre elles concordent du point de vue mélodique et souvent rythmique, mais dans lequel elles débutent à des moments différents, parfois également à des hauteurs différentes, les mélodies décalées les unes par rapport aux autres se contrepointant mutuellement.
Le canon en pièces détachées
Concevoir une mélodie est le début du travail de composition. C’est non seulement poser la première pierre, mais, en même temps, la pierre qui tient tout l’édifice. Pourquoi ?
Pour composer un canon, il faut…
1. Débuter l’antécédent
L’intégralité de la première voix chantée ou jouée du canon s’appelle l’antécédent. Au départ, comme le montre l’exemple de frère Jacques l’antécédent est seul. Il peut aussi être accompagné d’une basse qui suggère des accords.
C’est le cas de deux autres antécédents de canons célèbres :
2. Ensuite, recopier ce début de mélodie à la 2e voix
… c’est le conséquent en choisissant deux éléments déterminants :
- le temps d’attente pour débuter la 2e voix (pour l’ex.1, Frère Jacques, 2 mesures ; pour les ex. 2 et 3, Bach et Franck une mesure)
- l’intervalle entre la première et la 2e voix. Il se mesure entre la 1re note de l’antécédent et la 1re note du conséquent : ce peut être un intervalle ascendant ou descendant. Il peut aussi être nul, la hauteur étant exactement la même.
C’est ici qu’intervient le travail d’harmonisation. Il s’agit de combiner une suite à l’élément mélodique de départ de l’antécédent avec sa recopie commençant à un intervalle donné, de manière que les 2 voix forment des intervalles de rencontre agréables qui suggèrent une harmonie de qualité.
Voyez comment ces deux compositeurs choisissent leur intervalle de recopie (3ce majeure en dessous pour Bach et une 8ve juste au-dessus pour Franck).
Voyez maintenant comment ils poursuivent l’antécédent en le combinant à la recopie du conséquent et la basse qui donne l’harmonie :
Les canons plus élaborés comme ces deux autres exemples exigent une grande habileté, car chacun des accords successifs (ici d’une demi-mesure) doit harmoniser 2 mélodies dont l’une est la recopie de l’autre juste avant et l’autre le modèle de l’une juste après.
Un canon qui construit !
En regardant de nouveau l’exemple 1, vous vous rendrez compte qu’à partir de la mesure 7 ce chant est à 4 voix uniquement grâce à la recopie de la mélodie initiale, le conséquent. Comment est-il possible que les harmonies de rencontre sonnent si bien, et cela jusqu’à la fin de la quatorzième mesure, moment où la 4e voix entrée, la dernière, aura terminé ?
Le secret est simple
chacune des 8 mesures de l’antécédent est construite sur le même accord, premier degré de la tonalité de FA Majeur, fa/la/do. Tous les 1ers et 3es temps des 8 mesures sont occupés par un fa, un la ou un do. Les notes étrangères à cet accord (sol, si et ré passent sur des 2es et des 4es temps ou 2e et 4e parties du temps sans appuis). C’est ainsi que la partition de Frère Jacques, le canon étant à l’unisson et à l’octave compte, en tout et pour tout, une seule ligne mélodique avec l’indication des démarrages possibles de la 2e, 3e et 4e voix mesures 3, 5 et 7.
Le canon libre à haute fréquence
Si un ami peu intéressé par la musique vous demande suite à la publicité qui en a été faite, ce qu’est un canon, je vous suggère de lui dire simplement : c’est quand plusieurs personnes ne chantent pas tout à fait la même chose et pas en même temps. C’est vrai ! Et il comprendra tout de suite, car c’est ce qu’on entend la plupart du temps.
Mais si cet ami est vraiment curieux d’en savoir davantage, n’hésitez pas à lui dire de s’abonner à ma lettre. Avec votre aide, peut-être en ferons-nous, un jour, un spécialiste tel que Konrad Max Kunz qui présente dans son opus 14 pour piano, 200 canons.
Quant à vous, chère lectrice, cher lecteur, maintenant que j’ai fourni le mode d’emploi, pourquoi ne pas vous lancer dans l’écriture de ces voix qui se contrepointent si bien et composer un duo… canon ?
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