Emprunter, mais à quel ton ?
Je m’apprête aujourd’hui à vous conseiller sur les emprunts… en musique, bien sûr !
Le plan tonal
L’emprunt fait partie des différents types de modulation. Dans le déroulement d’une œuvre, moduler, c’est passer d’un ton à un autre. La véritable modulation consiste à s’installer véritablement dans cette nouvelle tonalité en poursuivant l’enchaînement des phrases et moduler de nouveau, jusqu’à retrouver, pour finir, le ton principal, celui qui est « affiché » à l’armure. L’ensemble de ces modulations s’appelle le plan tonal de l’œuvre.
L’emprunt, minoritaire et passager
Le but de l’emprunt, quant à lui, n’est pas vraiment de moduler, mais d’utiliser, dans une phrase qui reste dans la même tonalité, un ou deux accords appartenant à une autre tonalité.
Dans le ton A, la phrase emprunte cet accord ou ces accords à un ton B pour poursuivre et se terminer dans le ton A.
Exemple 1
Voici un exemple musical d’emprunt
Exemple 2
Dans cette phrase en DO mineur, l’accord composé de lab-do-mib-solb est emprunté au ton de réb Majeur, il ne modifie pas la tonalité générale, car la phrase est majoritairement en DO mineur et finit dans ce ton.
Autre tonalité ou accord altéré
Certains spécialistes de musique classique en analyse harmonique vont plus loin dans le raisonnement et qualifient cet accord d’accord altéré. Voici pourquoi : puisqu’il n’y a pas véritablement de modulation, que la phrase ci-dessus ne conduira pas au ton de REb Majeur, c’est qu’on reste en DO mineur pendant toute la phrase.
Mais comment expliquer l’accord lab-do-mib-solb ?
Il n’y a pas de solb en DO mineur. En effet, l’accord à 4 sons du VIe degré (basse lab) en DO mineur serait lab-do-mib-sol (naturel) chiffré 7 sur basse lab, degré VI.
C’est donc la preuve, expliquent ces spécialistes que cet accord a subi une altération autrement dit, une de ses notes a été baissée d’1/2 ton chromatique.
Et ils chiffrent cet accord en DO mineur : b7, (le bémol indiquant l’altération exceptionnelle, ici de la 7e de l’accord) sur VIe alt. (= altéré).
Autre façon d’analyser
Exemple 3
Emprunter aux tons voisins
Il faut reconnaître toutefois que les emprunts les plus fréquents se font aux tons voisins. J’aimerais à ce propos donner un conseil si vous voulez développer votre capacité à réaliser facilement des emprunts. Voici l’idée clé :
Choisir un degré de votre tonalité principale autre que le Ier degré et le faire devenir Ier degré de votre tonalité d’emprunt en le faisant précéder du Ve degré.
J’illustre mon propos avec DO majeur, ton principal, en commençant par les emprunts les plus fréquents :
a. Le Ve degré (du ton principal) : sol-si-ré.
Exemple 4
Utile, par exemple, pour arriver sur la ½ cadence ou la cadence parfaite.
b. Le VIe degré (du ton principal) : la-do-mi.
Exemple 5
Utile, après le Ve degré du ton principal, pour une cadence rompue.
c. Le IVe degré (du ton principal) : fa-la-do.
Exemple 6
Utile, pour l’emprunt à la sous-dominante terminant souvent une composition dans l’esprit d’une coda.
d. Le IIe degré (du ton principal) : ré-fa-la.
Exemple 7
Plus rare.
e. Le IIIe degré (du ton principal) : mi-sol-si.
Exemple 8
Encore plus rare.
Notons au passage qu’il n’est pas possible de transformer le VIIe degré d’une tonalité majeure en Ier degré d’une quelconque tonalité d’emprunt, car la 5te de cet accord est diminuée (en DO Majeur : si-ré-fa)
Quel intérêt d’emprunter aux tons voisins ?
Voici, pour finir, deux tableaux qui permettent de le comprendre.
Tableau 1
Présentation des 6 premiers degrés de la gamme de DO Majeur.
On remarque la couleur monotone car uniforme de cet enchaînement en DO Majeur. Chacun des 6 premiers degrés de la gamme est placé sur le 1er temps des mesures, alterné sur le 3e temps, avec un autre accord de quinte sous forme de marche harmonique.
Tableau 2
Présentation des emprunts possibles pour chacun des 5 degrés de la gamme de DO Majeur (II, III, IV, V et VI)
On remarque qu’on trouve exactement les 6 mêmes accords dans les 2 tableaux sur les premiers temps. Mais cette fois chacun des 5 degrés du IIe au VIe a pris une « couleur » beaucoup plus forte, car, étant précédé du Ve degré d’une tonalité d’emprunt, il en est devenu le premier degré !
Faites l’expérience et jouez ces deux tableaux : vous verrez la différence.
Dernière remarque : que sont les 5 tonalités d’emprunt correspondant à ces 5 degrés de DO Majeur (II à VI) ?
Oui, bien sûr ! vous avez trouvé… les 5 tons voisins de DO Majeur.
N’hésitez pas, empruntez aux tons voisins
Bien sûr, soyez raisonnable, vous n’allez pas emprunter à tous les degrés, cela finirait par épuiser votre capital harmonique et décourager vos auditeurs !
Rappelez-vous qu’un emprunt reste minoritaire dans une phrase, juste un ou deux accords pour goûter le plaisir d’une couleur et éviter la monotonie. Les tons voisins sont là pour ça !
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