Composer Harmoniser

Analysez ce court texte musical manuscrit et repérez les 12 erreurs graphiques cachées.

La première des élégances du compositeur consiste à livrer à ses interprètes un texte dont les règles graphiques de présentation sont parfaitement respectées. 

Les éditeurs professionnels ont des graveurs qui sont experts dans ce domaine ! Il existe aussi des logiciels d’écriture programmés pour cela, mais encore faut-il bien les maîtriser et vérifier certains détails.

Voici un court texte manuscrit, qui comprend 12 fautes de graphisme musical, à vous de trouver les 12 erreurs que j’ai glissées.

Je place l’image des corrections en bas de l’article pour vous laisser le temps de chercher, comparez vos découvertes, et lisez mes explications…

LA SOLUTION EXPLIQUÉE

# 1 La clé de sol, deux points en trop

Bien que cette clé indique la ligne du sol comme la clé de fa le fait pour la note fa, contrairement à cette dernière, la clé de sol a perdu l’usage de ses 2 points. Si quelqu’un en connaît la raison, je suis preneur de l’explication. En tout cas il n’y a pas de points après la clé de sol.

# 2 L’indication métronomique du tempo, inversée

Dans une mesure à 6/4, mesure composée à 2 temps, chaque temps a une valeur totale d’une blanche pointée. Le nombre 60 suivi de ‘= blanche pointée’ indique la vitesse métronomique à laquelle doit être joué chaque temps, c’est-à-dire 60 battements par minute. Donc la blanche pointée avancera à la vitesse de la seconde.

L’ordre des indications n’est pas le bon : on doit d’abord indiquer la valeur de note puis le signe égal et sa vitesse métronomique.

# 3 Une valeur de note seule, pour une mesure, à repositionner

La musique, comme la langue française, s’écrit de gauche à droite. Lorsqu’une seule note occupe la totalité d’une mesure il ne faut pas la centrer. Je pense que cette envie que j’ai parfois constatée chez mes élèves, peut avoir deux origines.

• La pause, qui est un silence de la durée d’une ronde, également employée seule dans une mesure sans aucune note, se centre toujours. Par analogie on a envie de centrer une valeur de note seule dans une mesure
• Le tableau du rapport des figures de notes (une ronde vaut 2 blanches, 2 blanches valent 4 noires, etc.) est toujours présenté comme un arbre généalogique commençant par une ronde centrée au milieu de la ligne.

Il fallait donc repositionner ce mi, ronde pointée en clé de fa qui débute l’extrait musical au début de la mesure aligné avec le sol qui débute à la clef de sol.

# 4, # 5 et # 6 Aligner les hampes en descendant à gauche ou en montant à droite ?

Le graphisme d’une note peut comprendre une tête, une hampe ou queue et un crochet. Deux questions et leurs réponses :

•   Les hampes partent-elles de la gauche, du milieu ou de la droite de la tête ? Quand la hampe est ascendante, elle part toujours de la droite de la tête. Quand elle descendante de la gauche. Jamais du milieu.

• Dans quel sens doit-on dessiner la hampe : en montant ou en descendant à partir de la tête ? L’équilibre veut que les hampes des notes dont la tête se place dans la moitié supérieure de la portée soient plutôt descendantes et dans la moitié inférieure ascendantes. Cependant on ne change pas de sens au beau milieu d’une phrase et les liaisons de phrasé sont plutôt placées du côté des têtes que du côté des hampes. Donc …

(4) Les mesures 2 et 3 en clé de fa comprennent 7 notes (5 noires et 2 blanches pointées). Or, dans la mesure 3 le si et le ré blanches pointées ont des hampes ascendantes qui partent du mauvais côté de la tête. 

(5) De plus, comme elles appartiennent à une seule et même phrase matérialisée par une liaison qui court sur les mesures 2 et 3, on n’en change pas le sens au milieu de la phrase, on privilégie pour l’œil, la continuité de la phrase.

Donc, la liaison étant au-dessus de la portée, il fallait aligner les 7 queues en descendant qui partaient du côté gauche de la tête.

 (6) De même, à la dernière mesure en clé de sol le fa, 1^ère note, a une hampe montante placée du mauvais côté de la tête, elle devrait partir de sa droite.

# 7 Ôter des chiffres indicateurs inutiles

Et voici la faute la plus répandue sur toutes les copies d’étudiants en musique : les chiffres indicateurs de mesure, ici 6/4, ne se mettent qu’une seule fois, en début de morceau. Il faut donc retirer en clé de sol et de fa ces chiffres, mesure 3 au 2e système.

D’où vient cette erreur ? On a tendance à associer l’armure qui se remet en début de chaque portée avec les chiffres indicateurs uniquement placés au départ. 

Bien sûr, si la mesure change en milieu de morceau, de nouveaux chiffres indicateurs apparaîtront, mais uniquement au moment du changement. Il faudrait donc que ce moment soit précisément entre la dernière mesure d’une portée et la première de la portée suivante pour qu’on voie apparaître des chiffres indicateurs en début de portée dans le courant d’un morceau.

# 8  Où poser la ½ pause ?

En revanche voici une faute que j’ai faite très longtemps jusqu’au jour où, envoyant une partition à mon éditeur j’ai reçu un appel d’une graveuse qui m’a éclairé sur le sujet de la ½ pause.

Contrairement à la pause qui se centre au milieu de la mesure qu’elle occupe entièrement, la ½ pause ne se centre pas au milieu de la ½ mesure qu’elle occupe entièrement. Où se pose-t-elle ? Comme toute autre figure de silence ou de note au début de la mesure.

Il faut donc, mesure 4, aligner la ½ pause pointée de la clé de fa avec le sol, croche, de la clé de sol.

# 9 Un supplément injustifiable

Voici encore une erreur assez fréquente, elle concerne la ligne supplémentaire. À la mesure 4 en clé de fa la première note est un si, posé sur la portée, au-dessus de la 5^e ligne. On peut voir une ligne supplémentaire totalement inutile au-dessus de ce si. 

Les lignes supplémentaires s’ajoutent à la portée pour placer des notes qui dépassent au-dessus ou en dessous d’elle. On commence à les utiliser quand la portée ne suffit pas pour écrire la note. Combien de notes différentes peut-on écrire sur une portée (sans parler des notes altérées ou octaviées) ? 5 (sur les lignes) + 4 (dans les interlignes) + 2 (une en dessous et une au-dessus de la portée) = 11 notes.

En clé de fa, ces 11 notes positionnées sur la portée vont du fa grave au si aigu, qui ne justifie donc pas de l’ajout d’une ligne supplémentaire.

# 10 Un crochet de croche mal accroché à raccrocher 

Alors que les hampes des notes peuvent se placer à gauche ou à droite de la tête (voir ## 4- 6), les crochets sont toujours tournés vers l’avant jamais l’arrière.

La mesure 4 en clé de fa se termine par une croche (fa) et ½ soupir. Le crochet de cette croche est placé dans le mauvais sens. 

# 11 Mesure 4 en clé de fa : un florilège de graphismes erronés

Pour couronner cette mesure : outre les chiffres indicateurs qui n’ont rien à faire là, la ½ pause pointée centrée à tort, la ligne supplémentaire du si inutile et le crochet du fa inversé, j’ai poussé à l’extrême la maladresse dans le graphisme des hampes et de la liaison (voir # 4 à 6).

Les 4 notes si, la, sol et fa sont placées dans la partie supérieure de la portée donc il vaut mieux que leurs hampes soient descendantes, partant de la gauche des têtes. Conséquence : mettre la liaison au-dessus et non en dessous. À part le ½ soupir et les 2 points de reprise, le graphisme de cette mesure est totalement erroné.

# 12 Une faute d’orthographe … musicale

Pour terminer, c’est le choix d’orthographier sib la blanche qui commence la dernière mesure en clé de fa qui est très contestable. Pourquoi ?

Quand on analyse globalement la dernière mesure (clé de sol et clé de fa), on trouve 3 harmonies successives :

• 2 premières noires : sib – fa# – do#
• 3^e noire si – ré#
• 3 dernières noires mi – mi.

La cadence parfaite (Ve degré – Ier degré) apparaît clairement pour les 2 dernières harmonies mais il n’existe aucun accord sib – fa# – do#. Par contre en orthographiant le sib, la# on obtient l’accord la# – fa# – do#, Ve degré du ton de SI Majeur, emprunt classique à la dominante avant de terminer en MI mineur. Le sib doit donc être orthographié la#. Des erreurs d’enharmonies se constatent de temps en temps dans les saisies à l‘aide de logiciels d’écriture, ce qui rappelle que le musicien qui les utilise doit garder le contrôle final de l’édition de sa partition.

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