Aimez-vous l’orthographe ? Ou bien gardez-vous un souvenir pénible des dictées en classe ?
L’orthographe musicale
L’orthographe se définit comme étant la « manière correcte d’écrire un mot’ »Elle vient du grec orthos qui peut prendre le sens moral de ‘correct’ et graphikos, « l’action d’écrire ».
Or, il existe aussi une manière d’écrire correctement les sons altérés, d’employer un dièse plutôt qu’un bémol ou réciproquement, donc une orthographe musicale !
Ceci nous ramène aux questions qui terminaient mon dernier article : Demi-tons chromatiques ou diatoniques ?
- Pourquoi continuer d’utiliser les dièses et les bémols puisque le système tempéré a établi une fois pour toutes que 2 demi-tons divisent de façon parfaitement semblable un ton ?
- La note qui est ainsi placée à l’exact milieu des deux autres a-t-elle vraiment besoin de porter 2 noms : un avec un dièse l’autre avec un bémol ?
Des fautes florissantes
Je ne m’étais pas posé cette question avant d’avoir à corriger des fautes d’orthographe musicale dans les copies manuscrites d’élèves, ou, ces derniers temps, produites à l’aide de logiciels d’écriture musicale. Quel paradoxe qu’ une partition imprimée, éditée avec un tel soin approchant les critères professionnels de la gravure puisse comporter des fautes d’orthographe !
Qu’est-ce que l’orthographe en musique ? Quelles sont les règles qui permettent d’établir que la partition comporte une faute ?
C’est précisément l’usage des bémols et des dièses qui concerne l’orthographe. Voici deux exemples types que j’ai pu rencontrer sur les copies d’élèves :

Dans l’exemple 1
Pour ce qui concerne la ligne d’aigu : sol, solb, fa, mib, une règle semble avoir été suivie, règle qui pourrait justifier définitivement le choix préférentiel des dièses ou des bémols : quand on monte on écrit des dièses, quand on descend des bémols. L’élève choisit donc sol bémol !
Pourtant ici, un autre élément prioritaire doit être pris en compte, l’analyse de l’accord comprenant ce solb : (de bas en haut comme toujours quand on épèle un accord) ré-la-ré-solb. Si je pose à l’élève la question :
- À quelle tonalité cet accord appartient-il ?
Il aura beaucoup de mal à répondre. Les deux premiers temps de cet exemple sont les degrés I et V de sol mineur puis on module en do mineur avec les 2 accords suivants (Ve et Ier degrés).
Quelle est la gamme harmonique représentative de sol mineur ?
- Sol-la-sib-do-ré-mib-fa#-sol
L’accord du Ve degré est donc Ré-fa#-la et non Ré-solb-la. Bien que la ligne d’aigu descende, elle doit passer par la 7e note constitutive de la gamme du ton de sol mineur : fa dièse et non sol bémol !
Dans l’exemple 2
Vous aurez reconnu « À la clai-re fon-tai-ne, M’en all- lant pro- me-ner ». Or, il semble que cette fontaine ait perdu de sa clarté par une enharmonie fautive. Avant de s’y désaltérer, il faut y placer la juste altération de sa tonalité.
Je vois d’ici mes amis guitaristes s’exclamer : pourquoi placer cet air si simple dans une tonalité comportant des mib et des réb ! Il suffit de consulter sur Internet le nombre étonnant de versions éditées de thèmes connus en différentes tonalités pour considérer ma version comme plausible !
Ceci me rappelle mon professeur de piano m’affirmant qu’il avait vu dans la vitrine d’un libraire musical à Paris, une transcription de ‘Tristesse’ de Chopin pour … piano, le comble a ses yeux puisque Chopin l’a composée précisément pour piano. Je pense qu’il ne serait plus étonné maintenant quand on voit toutes les partitions simplifiées d’œuvres célèbres qui sont proposées aux apprentis pianistes !
Précisément, en quel ton est-on dans ma version ?
C’est là l’ambiguïté :
- la 1ère note de La claire fontaine est la tonique du thème, donc SI Majeur.
- Gamme : Si-do#-ré#-mi-fa#-sol#-la#-si.
- Aucun mib et réb à la surface de l’eau !
Prenons l’enharmonie DOb Majeur.
- Gamme : Dob-réb-mib-fab-solb-lab-sib-dob.
- Voici les mib et réb qui apparaissent.
- Donc ma version est écrite en DOb Majeur avec 4 fautes d’orthographe pour la tonique Si qui devrait être orthographiée Dob les quatre fois où elle apparaît.
Pourquoi dob remplace-t-il si et non si# ?
- Parce qu’à deux reprises dans la gamme modèle de DO majeur, l’intervalle entre deux degrés n’est pas un ton mais ½ ton mi-fa (III-IV), si-do (VII-I).
- Donc, dans le système tempéré l’enharmonie de mi# est fa, celle de fab est mi, et celle de si#, do celle de dob, si.
Les notes étrangères
Et si la note altérée n’appartient pas à la tonalité dans laquelle on se trouve comment choisit-on de l’orthographier ? Par exemple en DO majeur :
- sur l’accord do-mi-sol-do (I)
un chant en triolet s’écrira-t-il plutôt
- sol-sol bémol-sol bécarre ou sol-fa dièse-sol ?
Sans entrer dans tous les détails, on choisit l’altération qui, si elle était constitutive, nous placerait dans la tonalité la plus proche de DO Majeur. Solb nous placerait en Réb Majeur et FA# en SOL Majeur. Sol Majeur est incontestablement plus proche de DO Majeur que REb Majeur dans le cycle des quintes, donc le fa# l’emporte.

Le chromatisme
Dernier point : c’est quand on monte ou descend au moins un ton en passant par les ½ tons qu’on emploie les dièses en montant et les bémols en descendant.
On appelle chromatisme l’enchaînement entre les 2 notes séparées par ½ ton chromatique. Il peut être ascendant ou descendant. Exemple do-do#-ré, ré-réb-do.
Relire et corriger ses fautes
Ainsi, comme pour les copies littéraires, il est toujours possible et conseillé, en musique, quand on connaît bien les règles d’orthographe, de relire et de corriger ses fautes y compris avec les logiciels d’écriture en ne se fiant pas aveuglément à leurs automatismes par défaut.
En tout cas, les bémols et les dièses ont encore de beaux jours devant eux, tout comme toutes les autres règles propres à l’écriture d’une partition, mais ça, c’est une autre histoire !
Lire article Demi-tons diatoniques ou chromatiques
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