La demi-cadence et la cadence rompue
Nous avons vu dans le premier article qu’harmoniser une fin de phrase par une cadence parfaite est un type de ponctuation conclusive, l’équivalent de son point final. Nous allons voir maintenant 2 types de chutes suspensives, la demi-cadence et la cadence rompue, que l’on pourrait comparer à la virgule et au point d’exclamation.
Et … si on coupait en 2 cette cadence parfaite ?
La première résulte d’un raisonnement très simple : puisque la cadence parfaite consiste à enchaîner DEUX accords
- l’accord du Ve degré qui comprend une tension due à l’intervalle de 4te augmentée entre la sensible et la 7e
- et l’accord du Ier degré qui présente la détente grâce à la résolution de la sensible sur la tonique et de la 7e sur la médiante (intervalle de 3ce ou sixte) le tout sur basse de tonique, basse de repos …
Que se passe-t-il si l’on coupe cette cadence en deux et s’arrête sur le premier accord ? On laisse l’auditeur en suspens dans l’attente de la suite de la phrase. Cette cadence, la seule à ne comporter qu’un accord est donc suspensive. Telle une virgule, elle permet une respiration de la phrase musicale, mais de courte durée, la suite venant apporter le complément indispensable à cette première partie incomplète.
Cette cadence porte un nom qui est l’évidence même : LA DEMI-CADENCE du fait qu’elle est la première moitié de la cadence parfaite. Mozart, grand amateur de cette cadence, me fournit ces exemples :
La plupart du temps, la réponse à une phrase se terminant par une ½ cadence suspensive est une autre qui se termine par une cadence parfaite, réponse que je n’ai pas recopiée ci-dessus, mais que vous pouvez écouter dans la symphonie.
Si vous voulez surprendre, rompez !
En matière de chute suspensive, la cadence rompue fait toujours son effet ! Tout se passe comme si l’on conduisait l’auditeur vers une fin tranquille, attendue, sans surprise. Souvent on n’est pas loin de la fin du morceau, l’affaire est entendue !
Et puis au moment où l’on passe par le fameux Ve degré, celui qui contient la note sensible et souvent aussi la 7e constituant cette 4te augmentée qui ne fait plus frissonner personne, porte d’entrée de la cadence parfaite, une partie de l’accord se résout docilement (en MI Majeur, par exemple, le ré# vers le mi et le la vers le sol#), MAIS la basse fait ce que plus personne n’attendait : un do# (VIe degré) puis on s’arrête !
C’est le genre d’étonnement qu’éprouve le voyageur quand le train s’arrête et qu’il descend sur le quai pour découvrir le panneau d’une gare qui n’est absolument pas celle de sa destination !!!Voici, par exemple, en MI Majeur une série de cadences rompues de plus en plus surprenantes. Vous reconnaîtrez en n°2, celle de mon exemple 4b du jeu que je vous ai présentée sous la plume du compositeur Louis Billaut.
Une chute hyper romantique
Frédéric Chopin, par exemple, surprend son auditoire en plaçant à la fin de son 4e prélude en MI mineur, longue et lente déambulation d’une tristesse infinie, la cadence rompue : si-ré#-la + fa# (chant) Ve degré qui, au lieu d’amener l’accord de tonique final conduit à l’accord do-sol + mi (chant).
Cependant il n’interrompt pas la phrase qui s’éteint peu à peu dans un chromatisme descendant comme le suggère l’indication smorzando (en s’éteignant) et revient à l’accord do-sol-mi, 2e moitié de sa cadence rompue en y ajoutant un sib à la basse !!! Faut-il envisager un nouveau départ dans la tonalité Napolitaine éloignée de FA Majeur dont cet accord est la dominante ? Non, après un point d’arrêt dramatique, 3 accords viennent plomber la chute pianissimo, cadence parfaite qui, enfin, s’achève sur l’accord de tonique mi-sol-si- mi dans le grave du piano
Évaluez votre compréhension
Après avoir examiné la cadence parfaite, la ½ cadence et la cadence rompue, il me reste à vous parler de la cadence plagale et des cadences imparfaites : encore un peu de patience ! Mais en attendant, voici une petite devinette : quelle est cette cadence ?
Solution
Dans l’exemple de Tannhaüser de Richard Wagner, Il s’agit d’une 1/2 cadence en sol# mineur à peine marquée, le compositeur enchaînant sa phrase très modulante caractérisée par ses chromatismes incessants.
Tout savoir sur le cadences
- Article 1 Cadence parfaite
- Article 2 Demi-cadence et cadence rompue
- Article 3 Cadence plagale
- Article 4 Cadence imparfaite
Laisser un commentaire