Les cadences imparfaites
Comment bien finir une phrase, un épisode ou même une œuvre musicale, en quelque sorte, trouver la bonne chute ? Ce dernier article va conclure ma série de 4 articles sur l’art des cadences :
La demi-cadence et la cadence rompue
Les cadences imparfaites
Un sentiment d’inachevé
Le sens général du mot imparfait (latin imperfectus) s’applique à quelque chose d’incomplet, d’inachevé. Attribué à la signature tonale d’une tonalité Majeure ou mineure, c’est-à-dire à l’enchaînement des degrés V et I, il définit une sonorité de ponctuation musicale incomplète. Cela ne permet pas vraiment ce pour quoi la cadence parfaite est prévue : achever la phrase. Comment cela ?
Une différence fondamentale : quand la basse est le degré de base
Repartons de l’exemple de cadence parfaite type en DO Majeur :
Les deux accords qui forment cette signature tonale V-I ont une particularité dont je n’ai pas encore parlé : ils sont à l’état fondamental.
Chaque degré de la gamme peut générer, c’est-à-dire être la base d’un accord à 3 sons, 4 sons et plus encore. Quand on présente ces accords dans leur premier état ( qu’on appelle l’état fondamental dans leur version resserrée, c’est-à-dire celle où les notes sont le plus rapprochées possible), on constate qu’ils présentent un empilement systématique de tierces.
Voici un exemple sur les degrés de la gamme de DO Majeur avec les accords à 3 sons à l’état fondamental, sur tous les degrés (sauf sur le Ve, où j’indique un accord à 4 sons, bien utile pour la cadence parfaite) :
Que sont les renversements des accords ?
Chaque accord à 3 sons possède un état fondamental et 2 états renversés qui modifient quelque peu leur sonorité. Il comprend en version resserrée (de bas en haut)
- A l’état fondamental, l’accord de quinte : 3ce + 3ce (sa basse est la fondamentale du degré de la gamme à laquelle il appartient)
- A l’état de 1er renversement, accord de sixte : 3ce + 4te (ayant permuté la fondamentale de la note la plus grave en note la plus aigüe)
- A l’état de 2e renversement, accord de sixte et quarte : 4te + 3ce (ayant permuté la basse de note la plus grave en note la plus aigüe)
Et, bien entendu avec une note de plus (pour notre Ve degré à 4 sons), un état renversé de plus, ce qui donne au total :
- Etat fondamental : 3ce + 3ce + 3ce (= accord de septième)
- 1er renversement : 3ce + 3ce + 2de (= accord de sixte et quinte diminuée)
- 2e renversement : 3ce + 2de + 3ce (= accord de sixte sensible)
- 3e renversement : 2de + 3ce + 3ce (= accord de quarte sensible)
L’état d’accord renversé : un effet d’atténuation
Quel est donc le procédé — parfois involontaire, malheureusement — qui rend imparfaite une cadence parfaite ?
C’est le point clé de cette explication : les deux accords formant la cadence parfaite (V-I) doivent être présentés à l’état fondamental. Leur basse doit être le degré de la gamme sur laquelle ils sont construits, en l’occurrence sol et do.
Il suffit qu’au moins un des 2 accords (V, I) ne soit plus à l’état fondamental, mais renversé et le sentiment d’achèvement de phrase est atténué.
Quand le premier accord (V) ou le deuxième (I) ou à plus forte raison les deux sont présentés à l’état de renversement, la cadence est appelée imparfaite. Elle conclut la phrase de façon incomplète qui, d’une certaine manière, nous donne le sentiment qu’elle reste inachevée. Elle apporte une fin, certes, mais pas définitive.
Peut-on rendre imparfaites les autres cadences ?
Quand on y regarde de près, deux autres types de cadence, la demi-cadence et la cadence plagale sont également la combinaison d’accords à l’état fondamental. Que se passerait-il si en conservant les mêmes degrés j’utilise au moins un accord à l’état de renversement ?
De la même façon, il y a modification du caractère sonore propre à la cadence.
La ½ cadence imparfaite ne comprenant qu’un accord (V) la césure produite par un court, voire très court arrêt du membre de phrase sur le 2e renversement (accord de sixte) de ce degré rend encore plus légère et suspensive la ponctuation.
Le premier accord (IV) de la cadence plagale imparfaite, souvent placée en fin de texte après la cadence rompue ou parfaite pour conclure un texte, est assez souvent présenté sur son deuxième renversement (sixte et quarte). Le deuxième est inchangé et le résultat sonore est un renforcement du caractère conclusif de cette cadence dû notamment à la pédale de tonique à la basse.
Quant aux cadences rompues aux nombreuses variantes, on peut aussi distinguer leurs versions imparfaites par la présence d’au moins un des deux accords à l’état de renversement.
Un tableau complet des cadences en DO majeur
Et voici ma conclusion de ces 4 articles consacrées aux cadences : une chute vraiment conclusive sous forme d’un tableau résumant les 4 grandes cadences dans leurs versions imparfaite (colonne de gauche) et parfaite (droite). Dans les cadences rompues, j’ai volontairement laissé de côté les cadences modulantes.
Certains compositeurs ont également conçu d’autres cadences, j’aurai l’occasion de les présenter. J’espère avoir répondu à la majorité de vos interrogations sur le sujet.
Pour vérifier si vous avez bien compris, je vous invite à réaliser ce petit test...
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